A vous qui êtes victimes de ce que l’on nomme « Troubles du Comportement Alimentaire », à vous qui vivez enfermées dans votre bulle de souffrance, vous auteurs de blogs qui criez votre combat, à vous toutes (et tous) je dis Merci ! Je n’ai personnellement jamais connu l’enfermement des TCA, mais pourtant, en tant que femme, je me sens concernée par ce mal être. J’ai accompagné une amie sur le dur chemin de la guérison. J’ai essayé de partager au mieux sa souffrance, je l’ai en tout cas entendue. C’est pour tenter de mieux la comprendre que j’ai effectué des recherches sur le net qui m’ont conduites jusqu’à vous, j’ai découvert de lien en lien, un tissu solidaire qui en dit long sur cette détresse qui est la votre. Vos écrits m’ont aidée à contribuer à sa guérison même s’il est un peu trop tôt pour l’estimer totalement guérie tant cette maladie est perverse. Ce qui est incroyable dans son cas c’est qu’elle s’en sort « grâce » à l’incompétence du système soignant (soi niant). Elle a été hospitalisée dans un lieu profondément inadapté à sa pathologie, elle a été traitée comme elle n’aurait jamais dû l’être. Le traumatisme vécu a servi « d’électrochoc »… Elle s’est "réveillée" plus forte que la maladie. Maintenant, elle arrive à faire taire cette voix destructrice, et avec une aide thérapeutique adaptée et l’amour de ses proches… ELLE MANGE et surtout ELLE VIT ! Ce qui m’impressionne le plus c’est de constater l’extrême potentiel de forces et de courage qu’elle a eu pour s’en sortir malgré l’épuisement physique, l’énorme dévalorisation et la conviction de ne jamais y arriver. Mais ça n’a rien d’étonnant, vu les ressources qu’il faut avoir pour prendre le pouvoir sur l’alimentation. Je crois que ces ressources-là vous les avez toutes (et tous), c’est juste une question de temps ou de déclic ou de rencontre ou d’autres choses propres à chacun(e)d’entre vous.
J’ai voulu l’encourager le jour où elle a pris la décision d’entamer une psychothérapie. J’ai écrit une petite histoire pour elle. Je vous la dédie. D’autre part, je travaille avec elle sur « Lilly Bulle » un spectacle qui décrit de façon poétique l’extrême difficulté de sortir de sa bulle. Je l’ai imaginé avant de la rencontrer et avant même de prendre connaissance de cette maladie. Un jour, une fée a croisé ma route et ce spectacle m’est venu, je ne savais pas que vous étiez si nombreuses à vivre ainsi prisonnières de votre bulle, isolées du monde, je constate que peu de gens vous rencontrent vraiment et tentent de vous comprendre. Ce spectacle a l’immense prétention de changer un peu ça… juste un peu.
Je n’ai pas d’autres mots pour vous dire de ne pas désespérer, le chemin est long et semé d’embûches vous le savez mieux que moi. Voici juste l’histoire de Mamzellolo…(publié avec son accord, évidemment).
Merci encore à vous toutes et tous. Merci à Mamzellolo et à Bulle pour ces aventures créatives.
Mamzellolo et ses lunettes
Aujourd’hui est un jour plus grand que les autres parce que c’est le jour où Mamzellolo va chez Mme la visionniste pour faire vérifier ses lunettes invisibles.
C’est difficile pour elle parce qu’elle croit que ses lunettes sont ses amies et elle a peur de les perdre. Il faut dire que Mamzellolo a perdu l’habitude d’avoir des amis, aussi quand elle en a elle a toujours peur de les perdre. Et puis elle pense que personne ne comprend ce que ses lunettes lui racontent et surtout pas une visionniste… parce qu’elle en a déjà vu elle… des visionnistes et même des visionnistes aveugles !
Quand elle arrive, elle sent un vent tout doux qui lui chatouille les lunettes, elle a envie d’éternuer mais elle ne le fait pas parce qu’elle est bien élevée et qu’elle se sentirait trop désolée après.
C’est rigolo, d’un seul coup Mamzellolo a envie de parler de ses lunettes ! Et encore plus rigolo, plus elle parle… plus les oreilles de Mme la visionniste s’ouvrent comme des éventails, ça lui va bien, on dirait une gentille ! Cette Madame cherche a comprendre quand est-ce que ces lunettes ont poussé sur le bout du nez de Mamzellolo…
C’était il y a tellement longtemps… bien avant que la mémoire n’existe !
Mamzellolo parle de salissouille, d’incomprenablemour, de punissure et de boufbeurke … mais c’est pas grave…elle parle de pestacle aussi, oui de pestacle et de musique !
Mme la visionniste a tout de suite remarqué que les lunettes de Mamzellolo étaient déformantes mais elle sait qu’elle ne peut pas les enlever toute seule et surtout pas d’un seul coup… ça serait trop dur, ses yeux risqueraient de se fermer à tout jamais. Il faudrait d’abord qu’elle ressente pourquoi elles ont poussé et puis il faudrait qu’elle sache que d’autres lunettes peuvent pousser, plein d’autres même, de toutes les couleurs et de toutes les formes et qu’elles pourraient toutes devenir ses amies.
Mais des fois les amies ça se chipote, ça s’emberlificote et les lunettes déformantes risqueraient de ne pas accepter les autres, elles allaient peut-être s’étripatouiller les branches et pire encore, qui sait… pour ça il faudrait que Mamzellolo arrive à leur expliquer, sans les gronder, qu’elle a envie d’essayer de ne plus avoir besoin d’elles. Peut-être que ça serait difficile pour ces petites lunettes d’accepter de s’en aller voirayeursijisui, peut-être qu’elles allaient crier très fort et que Mamzellolo allait penser qu’elle ne pourrait jamais les quitter.
Mais peut-être qu’un jour, dans longtemps mais c’est pas sûr, elle pourra les remercier d’avoir poussé sur le bout de son nez pour la protéger…
Voilà tout ce que Mamzellolo va devoir digestionner, et comme elle a les oreilles aussi ouvertes que le cœur, elle entendra et elle y arrivera mais pas trop vite parce que ça fait un peu peur quand même.